Cascades: «Tout le monde peut jouer un rôle dans l’économie circulaire, mais rares sont ceux qui peuvent réellement lui donner vie»

Cascades: «Tout le monde peut jouer un rôle dans l’économie circulaire, mais rares sont ceux qui peuvent réellement lui donner vie»

 

Le nouveau plan de développement durable de Cascades, qui en est à son quatrième depuis 2010, donne vie à l’économie circulaire en proposant des produits écoconçus qui sont recyclables ou compostables et issus d’un approvisionnement responsable. C’est l’une des cinq initiatives lauréates retenues parmi près d’une centaine par le jury des Prix initiatives circulaires 2021. Comment cette grande entreprise québécoise arrive-t-elle aujourd’hui à donner vie à l’économie circulaire ? Hugo D’Amours, vice-président communications et affaires publiques chez Cascades, répond à nos questions.

 

Qu’est-ce qui est à l’origine de l’implantation de stratégies d’économie circulaire chez Cascades ?

Hugo D’Amours// Pour comprendre comment on est arrivé là, il faut savoir qu’on s’est construit à travers la récupération. La famille Lemaire, modeste et habituée de faire beaucoup avec peu, trouvait à l’époque aberrante la quantité de matière qui prenait la voix de l’enfouissement. Il y a un gaspillage fou. Ça n’avait pas de sens pour eux.

Ils ont voulu trouver un moyen de donner deux, puis trois vies aux ressources qui sinon auraient été gaspillées. La famille a trouvé un vieux moulin à Kingsey Falls, et c’est là qu’elle a commencé sa production de carton recyclé. Pour les frères Lemaire, l’économie circulaire s’est imposée de manière instinctive. On pratiquait l’économie circulaire avant même que le concept existe.

Quel genre de défi cela pouvait-il représenter de proposer un modèle d’économie circulaire avant l’heure ?

Hugo D’Amours// Au départ, c’est drôle à dire, mais les frères Lemaire devaient cacher le fait que leurs produits étaient recyclés pour les vendre. Dans la tête des gens, un produit issu du recyclage était nécessairement de moindre qualité. À l’époque, il n’y avait pas beaucoup de préoccupations à l’égard du gaspillage ou de l’enfouissement.

On disait à nos clients «On aime tellement les emballages qu’on fabrique pour vous que lorsque vous les aurez utilisés on viendra les rechercher!» À l’époque, on appelait ça le système de la boucle fermée : on fabrique l’emballage, on l’achemine au client, puis on va le rechercher ensuite pour le remettre dans la chaîne.

Les frères Lemaire ont bâti une entreprise qui intégrait peu à peu les nouvelles matières qu’ils trouvaient dans ce qu’ils récupéraient. Au départ, c’était du carton, ensuite il y avait du papier blanc, ils en ont fait du papier hygiénique. Leur production a évolué en fonction de la matière à recycler.

Pour Cascades, donner vie à l’économie circulaire, qu’est-ce que ça signifie?

Hugo D’Amours// L’économie circulaire, ce n’est pas juste de fabriquer des produits avec de vieux papiers ou de vieux plastiques qui sinon finiraient à l’enfouissement. C’est aussi de fabriquer de nouveaux produits qui pourront à leur tour participer à l’économie circulaire puisqu’ils seront recyclés. Réfléchir à la fin de vie de ses produits est essentiel. Il faut penser en termes d’écoconception. 

Tout le monde peut jouer un rôle dans l’économie circulaire, mais rares sont ceux qui peuvent réellement lui donner vie. De notre côté, on permet à la fois à nos fournisseurs de donner une deuxième vie à leurs produits en les intégrant dans notre production, et à nos clients de recycler nos produits en fin de vie. On est au centre du système qu’on met en œuvre et on arrive comme ça à faire tourner la roue.

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Qu’est-ce qui a évolué avec le temps dans votre approche de l’économie circulaire?

Hugo D’Amours// La philosophie est toujours restée la même, ce sont nos méthodes se sont sophistiquées avec le temps. Deux éléments ont eu un rôle déterminant : le centre de recherche et développement que nous avons créé et la place que nous accordons à l’innovation.

Le centre de recherche et développement en pâtes et papiers de Cascades nous a permis de développer une expertise de classe mondiale en récupération, de relever de nombreux défis et de développer des solutions pour faire de nouveaux produits avec ce qu’on récupère.

L’innovation, au cœur de notre démarche, nous a permis de développer des produits faits pour être réintégrés à la chaîne en fin de vie. Nous avons innové, développé des principes d’écoconception et sommes arrivés à fabriquer des produits à la fois techniquement recyclables et effectivement recyclés. Ce sont deux choses différentes. Il faut que ce soit économiquement viable et simple de recycler les matières, alors que les centres de tri en reçoivent des quantités incroyables. 

Quels principaux défis faudrait-il surmonter pour accélérer le passage vers l’économie circulaire?

Hugo D’Amours// Aujourd’hui, au Québec, on est assis sur des montagnes de plastique et malgré ça, c’est encore difficile de trouver des matières plastiques recyclées de grade alimentaire. On doit encore importer des polymères.

On doit arriver à une adéquation entre les besoins du marché et l’offre. Des travaux comme ceux dans le cadre de la modernisation de la consigne, ceux d’ÉEQ ou du GAPC, nous permettent de mieux caractériser la matière et les besoins de l’industrie pour créer une adéquation entre les deux.

Les obstacles à la circularité sont aussi techniques. Par exemple, les couleurs des plastiques complexifient leur recyclage puisqu’en les mélangeant on arrive nécessairement à une couleur peu attrayante. Une grande partie de la question repose sur la recyclabilité et le recyclage réel en fin de vie des matières fabriquées.

Il faut améliorer la récupération et repenser la fabrication. Actuellement, il y a plus de vendeurs d’économie circulaire que d’acheteurs. On peut chercher autant qu’on veut des produits recyclables, si on n’inclut pas nous-mêmes du recyclé dans ce qu’on fabrique, la roue ne peut pas tourner. 

Pourquoi serait-il positif d’avoir plus de grandes entreprises impliquées en économie circulaire au Québec?

Hugo D’Amours// L’économie circulaire permet de réduire grandement la pression sur les ressources. Lorsqu’on transforme une vieille boîte de carton ou un vieux journal en nouveau produit, on utilise beaucoup moins de ressources que lorsqu’on utilise de la matière vierge. 

Dans un monde idéal, un jour au Québec, on sera capable de faire circuler les matières sur notre territoire, de créer de la valeur et créer des emplois locaux sans exporter cette richesse et ces matières. 

Un modèle intéressant est celui qu’on a développé avec Tricentris, qui possède une usine à Lachute, à une dizaine de kilomètres de notre propre usine. Nous récupérons du carton de ce centre de tri pour notre production qui refabrique de nouveaux produits pour la région ou ailleurs. On ferme ainsi la boucle dans un petit périmètre, ce qui a beaucoup plus de sens.

Avez-vous un conseil pour les organisations qui souhaiteraient se lancer dans une démarche d’économie circulaire?

Hugo D’Amours// Une entreprise qui veut vraiment participer à l’économie circulaire doit regarder ses intrants et la fin de vie de ses produits. Beaucoup d’organisations se préoccupent plus de la fin de vie que de l’intrant, ce qui limite le potentiel de circularité. Il faut analyser, dans la mesure du possible, sa capacité à inclure de la matière recyclée dans ce qu’on fabrique et penser à la fin de vie de ses produits.

Il faut aussi aller chercher l’expertise nécessaire pour enclencher une démarche d’économie circulaire. Pour beaucoup de nos clients, l’emballage est un mal nécessaire. Ils n’ont pas l’expertise de développement durable, mais ils veulent s’assurer d’avoir la plus petite empreinte possible. Ils se réfèrent donc à nous. Éco Entreprises Québec offre aussi une méthodologie et un accompagnement pour développer des emballages écoconçus. 

Il faut garder en tête que la récupération, ça marche. On est la preuve vivante que ce n’est pas quelque chose de marginal, c’est un modèle économique rentable. On constate déjà un mouvement engagé, irréversible qui prend de la vitesse. Maintenant, il faut accélérer la transition vers des plastiques circulaires. 

Pour en savoir plus sur le développement durable chez Cascades.

Vous portez un projet d’économie circulaire? C’est le moment de faire connaître votre initiative avec les Prix initiatives circulaires 2022! Inscrivez votre organisation en répertoriant votre initiative sur la cartographie interactive de la plateforme.

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Auteur de la page

Emilie Chiasson

Conseillère en communication - Économie circulaire